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Autour des adieux

Qu'est-ce que l'adieu ? Comment le faites-vous ? Et qu'en est-il de votre propre adieu ? Autant de questions auxquelles il est possible de répondre ici. 

À chacun sa manière

Quatre générations, quatre histoires. Un débat sur la vie, les adieux, les souvenirs, la fin.

Qui participait à la discussion ?

Ellen, 26 ans, célibataire

Anne, 46 ans, mariée, une fille

Tom, 55 ans, célibataire

Ingrid, 63 ans, mariée, 2 enfants et 4 petits-enfants

La vie est une aventure unique, personnelle et différente pour chacun d’entre nous. Nous avons chacun notre propre manière de lui dire au revoir. Mais une chose est sûre : lorsque nous faisons nos adieux à quelqu’un, les souvenirs sont d’un grand réconfort. Pour vous ou pour ceux qui vous succéderont.

Ellen (26 ans), la plus jeune du quatuor, prend d’emblée la parole : «Je suis très terre-à-terre. La vie peut s’arrêter à tout moment. Il y a quelques années, à 21 ans, j’ai rédigé mes dernières volontés : je veux une cérémonie religieuse et être enterrée, pas incinérée. Il faut neuf mois pour naître, je ne veux pas simplement disparaître. C’est pourquoi je veux être inhumée.»

Ingrid et Tom sont d'accord : dire au revoir à quelqu'un en toute connaissance de cause peut apporter beaucoup de réconfort par la suite.
Ingrid et Tom sont d'accord : dire au revoir à quelqu'un en toute connaissance de cause peut apporter beaucoup de réconfort par la suite.

Pourquoi rédiger ses dernières volontés à 21 ans? «Mes parents ont trouvé cela étrange, j’ai même dû les rassurer en leur disant que je n’avais rien de prévu (rires). Mais prendre mes dispositions dès maintenant me permet de savoir ce qui m’arrivera après. Cette pensée me rassure.»

Ingrid (63 ans) : «Je suis tout à fait d’accord, même si je l’ai fait d’une manière un peu différente. J’ai un livre dans un placard à la maison. Je le mets bien en vue quand je pars en vacances. Il contient tout ce que je veux en cas de pépin. Je veux être incinérée et avoir de belles funérailles avec les personnes qui me sont chères. Mais il n’y en a pas tant que ça. Mon père, atteint de démence depuis plusieurs années, a toujours eu beaucoup d’amis autour de lui, mais peu viennent encore lui rendre visite. C’est pourquoi je me dis que s’il m’arrivait quelque chose demain, je préférerais peut-être que seuls mes amis les plus proches assistent à mes funérailles. J’aime danser et écouter de la musique. Mes adieux pourraient être festifs.»

Anne (46 ans) poursuit : «J’y pense aussi, mais je n’ai encore rien mis sur papier. Je ne veux pas de cérémonie religieuse et je ne veux surtout pas être inhumée. Pour une raison étrange peut-être, mais je ne veux vraiment pas penser à ce qui va m’arriver sous terre quand j’y serai (rires). Je veux être incinérée, mes proches pourront disperser mes cendres ou les conserver chez eux. C’est aussi parce que je ne me rends pas souvent sur les tombes des membres de ma famille ou de mes amis décédés. Cela me dérangerait vraiment d’occuper une place alors que personne ne vient me voir. Si vos cendres sont dispersées, vous êtes un peu partout.»

« On fait aujourd’hui ce qu’on ne pouvait pas faire avant. »

Tom (55 ans) opte également pour la crémation. «Je n’ai encore rien officialisé, mais j’y pense. Je veux être incinéré, ne serait-ce que parce que je n’ai pas d’enfants et que je ne m’attends donc pas à recevoir beaucoup de visites lorsque je ne serai plus là. Je pense aussi consciemment à la “fin”. Mon père est encore en bonne santé, mais ma mère et beaucoup d’oncles et de tantes sont morts jeunes.»

Ellen : «Je pourrais aujourd’hui déjà écrire tout un scénario pour le moment venu : je veux un joueur de cornemuse écossais à mes funérailles et je veux qu’on me porte à l’extérieur dans un cercueil classique. Je suis à l’aise avec l’idée d’y penser de temps en temps. Je ne crains pas l’avenir, quel qu’il soit.»

Ellen : « Continuer à parler de ceux qui ne sont plus là est très important pour moi. »
Ellen : « Continuer à parler de ceux qui ne sont plus là est très important pour moi. »

Les choses ont évolué au fil des ans, tout le monde en convient.

Anne : «De l’enterrement à la crémation. Et la manière de gérer les adieux. Tout est devenu beaucoup plus personnel. Lorsque mes grands-parents sont décédés alors que nous étions enfants, nous avons été complètement mis à l’écart. Aujourd’hui, les enfants sont également impliqués dans le deuil.»

Ingrid : «C’est bien. J’avais quatre ans lorsque mon grand-père est décédé et on m’a surtout demandé de ne jamais poser de questions à son sujet. Les choses ont changé aujourd’hui. Heureusement. J’ai récemment vu une famille qui avait réalisé une couronne de fleurs autour du cercueil de la grand-mère avec tous les enfants. On fait aujourd’hui ce qu’on ne pouvait pas faire avant.»

Ellen : «Les funérailles peuvent, par ailleurs, refléter la vie du défunt. Comment était-il dans la vie? S’il était extravagant, on peut prévoir un grand bouquet et porter des vêtements colorés lors de la cérémonie. On lit des textes personnels, on joue sa musique préférée, on montre des photos... Je remarque également qu’il y a moins de visites dans les jours qui précèdent les funérailles. Les gens préfèrent offrir une carte personnalisée ou des fleurs.»

Les moments de commémoration ont eux aussi changé.

Anne : «Oui, on personnalise aussi les commémorations. Pour l’anniversaire de mon beau-père décédé, nous allons toujours avec toute la famille aux Fêtes du poisson, très connues dans notre région. La première fois en 2017, aujourd’hui avec tous les enfants et petits-enfants. J’aime aussi continuer à utiliser certains mots ou objets propres au défunt. On l’entend ainsi encore parler.»

Ellen : «Oui, c’est vrai. Mon grand-père disait : “Assure-toi de toujours avoir une bouteille de champagne dans ton frigo, sinon c’est qu’il n’est pas bien rempli”. Quand une bouteille disparaît, je m’empresse de la remplacer. Et quand il n’y en a vraiment plus, j’entends mon grand-père le répéter... J’ai aussi encore beaucoup de recettes d’antan dans les boîtes d’origine, aujourd’hui défraîchies. Je pense qu’il est essentiel de continuer à se souvenir et à parler de ceux qui ne sont plus. Vous continuez de vivre tant qu’on se souvient de vous, tant qu’on parle de vous.»

Anne : «Je pense qu’il est ainsi plus facile de reprendre le fil de sa vie. Les commémorations annuelles, le maintien d’une page Facebook… tout cela est utile.»

Tom : «Absolument, je mets toujours un rappel sur sa page Facebook à l’occasion de l’anniversaire de ma mère. On nettoie également sa tombe ce jour-là et on la décore de jolies fleurs. Je suis heureux qu’elle ait été inhumée, car chaque fois que je rends visite à mon père, je passe devant ma mère.»

Ellen : «Je constate également que les jeunes organisent chaque année de nombreux moments de commémoration. Via leur cercle d’amis, avec les scouts. Avec un feu de joie ou une marche aux flambeaux.»

Ingrid : «Lorsque ma meilleure amie est décédée, je lui ai promis de ne jamais l’oublier et de toujours l’emmener avec moi. J’ai ajouté à mon trousseau de clés un cœur avec ses cendres, une sorte d’ange gardien, pour ne jamais l’oublier. Je prends aussi énormément de photos, de mes parents, mes enfants, mes petits-enfants, mes amis. Parfois, je me dis consciemment : c’est pour plus tard.»

Tom : «Avant, je détestais poser et être photographié. Mais aujourd’hui je chéris ces souvenirs, ne serait-ce que parce que le bonheur de cette époque se voit parfois littéralement noir sur blanc. Si ma maison devait brûler, j’emporterais mes photos avec moi.»

Anne : « Lors de mes adieux, je veux que tout le monde sache que je les ai aimés. »
Anne : « Lors de mes adieux, je veux que tout le monde sache que je les ai aimés. »

Vos parents parlent-ils beaucoup de « l’avenir » ? À moins que vous leur en parliez vous-même ?

Anne : «Je n’ai pas rédigé de déclaration de dernières volontés, mais j’en parle parfois avec mon mari, mes enfants et mes amis. Ils sont au courant, mais ne sont pas toujours d’accord (rires). Mais il y a quelque temps, ma mère m’a dit qu’ils en avaient parlé l’après-midi et qu’ils s’étaient partagé leurs souhaits. J’ai trouvé cela un peu étrange, voire un peu difficile, d’en parler à ma mère, mais c’est important.»

Tom : «En effet, après le décès de ma mère, j’ai demandé à mon père s’ils avaient déjà discuté de leurs dernières volontés. Il s’est avéré que non. Ma mère avait choisi sa musique, mais c’est surtout parce qu’elle venait d’une famille de mélomanes.»

Ellen : «Mes parents n’en parlent pas beaucoup non plus. Mon père change un peu parce que j’y travaille. Il voulait être incinéré, mais maintenant il préfère être inhumé. Ma mère n’y réfléchit pas du tout, on lui a dit à la maison de ne pas trop en parler. C’est donc moi qui anticipe encore le plus (rires).»

Ingrid : «Mon père est malade depuis plusieurs années et oublie de plus en plus. Il se sépare déjà de beaucoup de choses et rencontre de plus en plus de difficultés physiques. Je travaille donc beaucoup avec lui sur la question du “et si...”. Il est heureusement très reconnaissant d’avoir atteint cet âge, car son père est mort très jeune.»

« Les cérémonies d’adieu sont vouées à être de plus en plus personnelles. »

Et comment vos enfants ou vos jeunes amis envisagent-ils leurs adieux ?

Ellen : «Les jeunes d’aujourd’hui sont plus ouverts, je pense. On sera tous confrontés aux adieux. Mieux vaut en parler.»

Anne : «Les enfants pensent différemment de leurs parents, je pense différemment de mes parents. C’est une évolution logique. C’est peut-être aussi dû au fait qu’autrefois, l’entrepreneur de pompes funèbres décidait lui-même de presque tout. La famille n’avait pas grand-chose à faire. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de possibilités, c’est plus personnel.»

Tom ajoute : «Je remarque également que notre génération et celle de mes parents sont plus ouvertes. Lorsque la sœur aînée de ma mère est décédée, elle avait tout organisé, elle voulait une dernière fête. Tout était permis : danser, boire du champagne… mais nous ne ferons pas de même, ce n’est pas dans notre nature.»

À quoi ressembleront les funérailles pour la prochaine génération ?

Ellen : «Je pense que les funérailles naturelles vont gagner en popularité. Il y aura moins de cimetières traditionnels et plus de cimetières naturels. La durabilité va également s’imposer de plus en plus, par exemple dans le choix des cercueils, des fleurs, etc.».

Anne : «Je pense que les lieux de funérailles vont également changer. Au domicile des gens, dans leur salon, dans un stade, en pleine nature. De moins en moins de funérailles auront lieu dans les églises et les salles de cérémonie classiques.»

Tom : «Ma mère est décédée à l’hôpital pendant le covid. Je n’ai donc pu lui dire au revoir que chez l’entrepreneur de pompes funèbres. J’ai eu une longue conversation avec elle et j’ai écrit une lettre que j’ai glissée dans le cercueil. J’ai également aidé à prendre soin d’elle, je l’ai maquillée, je lui ai mis du vernis à ongles, etc. Je suis aujourd’hui très heureux de l’avoir fait. Je pense que les cérémonies d’adieu sont vouées à être de plus en plus personnelles.»

Pour conclure : comment seront organisés vos adieux ?

Ellen : «Je veux une cérémonie toute simple. Un service religieux sobre avec tout au plus une photo de moi sur le cercueil. Tout le monde sait qui j’étais. Et tout le monde a partagé un moment avec moi. Je demanderais surtout qu’on ne m’oublie pas. Parce que c’est la seule chose qui m’effraie un peu.»

Tom : «Je dirai à ma famille la plus proche comment j’aimerais que mes funérailles se passent, mais je n’en sais encore rien. J’ai déjà fait l’expérience dans mon cercle familial de grandes messes bondées et de cérémonies intimes avec quelques membres de ma famille. Le plus important, c’est de rester encore en vie pendant un certain temps (rires) et, surtout, de garder la forme avec l’âge. J’en ai trop vu en tant qu’infirmier.»

Anne : «J’ai déjà réfléchi à la musique, mais j’aimerais avant tout faire savoir à tous ceux qui sont là que je les ai aimés. D’habitude, c’est l’inverse et ce sont les personnes présentes qui vous font savoir qu’elles vous ont aimé.»

Ingrid : «Mon meilleur ami, décédé il y a quelques années, disait toujours : “Vieillir n’est pas un cadeau”. Mon père dit la même chose aujourd’hui, mais il ajoute : “Mourir jeune n’est pas une option”. On ne s’habitue jamais à faire ses adieux, à lâcher prise. Mais le faire avec des personnes qui vous sont chères, c’est un vrai cadeau.»

Rédiger ses dernières volontés n’est pas forcément difficile.

Découvrez ici comment consigner à l’avance vos souhaits funéraires.